dimanche 27 avril 2014

Inuvik, tout là haut sur le delta du fleuve Mackenzie

Inuvik, qui est pourtant assez grande, n'est même pas sur la carte; elle est au nord, au bout de la route avant Tuktoyaktuk

Jour 1: Direction le Nord
L'avion dans l'Arctique, c'est comme un autobus: il s'arrête partout. Les voyages dans le Nord comportent en général au moins une escale dans une communauté isolée uniquement accessible par avion. C'est comme ça qu'on s'est retrouvé coincés à Norman Wells.
Les Monts Franklin qui dominent Norman Wells

L'arrêt prévu de 30 minutes s'est transformé en une après-midi pour cause de problème technique. Après une heure d'attente, on nous a annoncé que le vol vers Inuvik était annulé et qu'il y avait des chances qu'on nous envoie un avion qui nous ramènerait à Yellowknife. On s'imaginait plutôt rester à Norman Wells pour profiter des montagnes environnantes, mais en ce Vendredi Saint, les restos étaient fermés et l'hôtel injoignable. Finalement, la compagnie a affrété un avion pour nous emmener à Inuvik, week-end sauvé!
La fabuleuse affiche du ministère de l'environnement à l'aéroport qui encourage les randonneurs à ramasser les crottes de caribous qu'ils pourraient voir pour une étude importante sur cet animal menacé. À la clé, une carte cadeau chez Esso!
Pendant ces quelques heures à tuer à Norman Wells, nous nous sommes promenés au bord du Mackenzie; la bourgade, à l'origine créée pour exploiter les ressources naturelles, notamment le pétrole, est construite le long du fleuve entre les Franklin Mountains et les Monts Mackenzie qui chevauchent le Yukon et les TNO. À Norman Wells, on a beaucoup aimé la vue sur les montagnes, le petit terminal moderne et confortable de l'aéroport, les panneaux de rues agrémentés de corbeaux et les strudels aux pommes et autres collations distribués par la compagnie aérienne, et aussi le bon de 200$ valable sur un prochain vol!
Le fleuve et les Monts Mackenzie en regardant vers le Yukon
Jour 2: La route de glace jusqu'à Tuktoyaktuk
J'arrête de respirer alors que je lutte avec le volant pour redresser la voiture en plein virage sur la route de glace. Nous sommes à 140km d'Inuvik sur le fleuve Mackenzie gelé, en route vers Tuktoyaktuk, Tuk pour les intimes, une petite communauté autochtone de 850 habitants nichée au nord du territoire au bord de l'océan Arctique. Il nous reste encore 45km à faire. Après avoir eu l'impression de reprendre le contrôle de la Jeep pendant une seconde, je zigzague sur la route avant de faire un 180º et de me retrouver dans l'autre sens, accolée au tas de neige sur le bas-côté.
Après quelques larmes de trouille et quelques minutes de coaching par Yves, québécois habitué à la glace qui est resté calme tout du long, nous repartons sur la glace bleu clair.
Oui oui, nous roulons sur le fleuve!
Les pingos près de Tuk

Nous roulons maintenant sur l'océan en longeant la côte; ce paysage plat enneigé se fond dans le ciel laiteux. Petit à petit les pingos se dessinent sur l'immensité blanche. Ce sont de petites collines, dont les plus hautes atteignent quelques dizaines de mètres, qui sont uniques à la zone du pergélisol. Elles sont particulières car formées par un cône de glace. La région du delta du Mackenzie abrite la plus grande concentration de pingos.
Dix minutes plus tard, nous sommes coincés en dehors de la voiture sans manteau ni téléphone. Les portes se sont verrouillées quand nous sommes descendus prendre les pingos en photo... Après avoir tiré comme des fous sur les poignées, fait le tour de la Jeep qui tournait encore pour trouver une solution, regardé les pingos complètement désabusés, nous avons commencé à arracher les joints extérieurs des fenêtres en espérant en démonter une sans la casser. Heureusement, sans le savoir, je sors avec MacGyver qui a trouvé une tige en métal sur le chantier à côté et a pu soulevé le mécanisme de la portière et l'ouvrir. Nous étions mal barrés de l'autre côté du village où personne ne passe en ce jour de festival!
Car nous sommes en veine en ce week-end de Pâques, c'est le festival Beluga à Tuk et tout le village se retrouve au port pour participer à des activités: courses de motoneiges, de tirage de personnes sur des luges, de portage de personnes sur le dos, etc. Évidemment les barbecues sont allumés et "chili et beignet" semble être le plat de fête, ainsi que le "trifle", un mélange de morceaux de gâteau, de jello, de fruits et de crème fouettée.

À Tuk, les habitations sont souvent faites de bric et de broc, d'autres maisons de type préfabriqué s'alignent dans plusieurs rues, et un grand nombre de bâtiments ont cruellement besoin de rénovations. Devant chaque maison on voit des motoneiges, souvent conduites par des enfants, des traineaux chargés et prêts à partir ou entièrement ensevelis sous la neige, et un chien assoupi devant sa niche, souvent en mauvais état ou trop petite pour lui. Ces chiens de garde autrefois compagnons d'aventures et bêtes d'attelage semblent avoir perdu leur rôle et ne plus servir à grand chose dans ces modes de vie bouleversés. Vision triste le plus souvent, comme ce chien endormi sur sa niche dont l'entrée est complètement bouchée par la neige; en espérant que mes impressions de touriste soient erronées.

Les gens sont souriants et nous saluent dans la rue, souvent les plus âgés dont les yeux pétillants se plissent dans leur visage auréolé d'une capuche à la bordure de fourrure luxuriante.
Par curiosité, nous faisons un tour dans les deux magasins du coin où nous parlons en français à un québécois et à un nord-ontarien. Le rayon des fruits et légumes fait triste mine, les pommes sont un peu molles, les bananes entre le vert et le gris, la barquette de bleuets à 9$ et le quart de pastèque à 12$. On trouve tous les snacks possibles et les produits courants, avec une tendance pour le rapide, le tout prêt et le pas très sain, bien sûr moins cher à faire venir que les produits frais.

La neige a déjà commencé à fondre et laisse place à la boue. Une corde est tendue entre deux cabanes et des peaux y sont pendues pour sécher. Dans un traineau au bord de l'arctique, une peau énorme semble nous appeler pour nous tenir chaud. Devant une maison, quelqu'un vient de dépecer le produit de sa chasse, en témoignent la peau étendue et les morceaux de chair rouge par terre.
En fin d'après-midi, nous reprenons la route de glace de 185km vers Inuvik, des images inhabituelles plein la tête après cette journée au bout du monde.

Jour 3: Traîneau à chien dans le delta du Mackenzie
Chinook et Masaki se roulent dans la neige pour se rafraîchir pendant que les leaders Piper et Blue bondissent pour me signifier que s'arrêter en plein sentier n'est pas une option. Je conduis seule mon traîneau avec mes 4 chiens motivés, des Siberian Huskies blancs aux yeux perçants. Plusieurs traîneaux se suivent ainsi dans le delta du Mackenzie, guidés par Judi, musher et propriétaire de Arctic Chalet où nous logeons. Le fleuve gelé est sinueux, et au détour d'une courbe nous passons devant une immense barge piégée dans la glace pour l'hiver. Nous déboulons ensuite sur un lac avant de monter sur un plateau. La ligne des arbres se situe près d'Inuvik, et les sapins ici sont plutôt clairsemés. Le paysage alterne entre rivières, lacs et collines plus hautes qu'à Yellowknife. Je freine souvent car mes chiens rattrapent sans arrêt le traîneau devant moi. Quand on s'arrête, ils aboient et se retournent vers moi l'air interrogateur. Manifestement, ils préfèrent courir, leur langue rose volant dans tous les sens.

Au lac où un feu de camp nous attend pour le déjeuner, il leur faut bien 20 minutes pour comprendre que l'on va rester un bout et qu'ils feraient mieux de se reposer. La plupart se couchent en boule, d'autres ferment les yeux en restant assis, d'autres s'étalent de tout leur long. Il faut profiter de ce moment de calme pour les caresser ou les prendre en photo. Certains aiment les câlins, d'autres préfèrent grogner après leurs ennemis.

Dès qu'ils sentent que nous commençons à ranger les affaires, ils s'impatientent de nouveau. Ils sont encore plus rapides qu'au début, peut-être à cause du gros morceau de poulet cru auquel chaque chien a eu droit. Le retour est rapide, de longues lignes droites en descente où les chiens s'en donnent à cœur joie. Ils font même la course quand un autre attelage s'approche trop ou avance dans une voie parallèle.
De retour au chenil, les chiens rentrent dans leur enclos pour attendre leur dîner. Les cages sont grandes et propres, et les chiens sont répartis selon leurs affinités de bêtes à moitié sauvages...

Jour 4: Skijoring
Avant de reprendre l'avion, il reste un peu de temps pour faire du skijoring, c'est-à-dire du ski de fond aidé par un chien. Quand on en fait avec un chien de traîneau habitué aux expéditions, autant dire qu'on ne skie pas beaucoup! Activité casse-gueule garantie soumise au rythme du chien et à ses envies qui ne sont pas toujours compatibles avec la corde qui nous relie!
La célèbre Igloo Church d'Inuvik
Comme on ne peut pas creuser dans le pergélisol, de gros conduits sont installés dans la ville pour faire passer les câbles, les eaux usées, etc.

jeudi 17 avril 2014

Une nuit à Banting Lake

Quand on m’a demandé si je voulais utiliser un traîneau au lieu de porter mon sac de randonnée sur le dos, je me suis dit que c’était peut-être une bonne idée. Je n’ai pas un très bon équilibre en ski et l’idée de me retrouver sur le dos comme une tortue les skis en l’air m’a décidé. Je n’ai pas regretté, à part dans les pentes ardues où il a fallu déchausser. Et oui, quand on croit être soulagé en arrivant en haut de la pente après être difficilement monté les skis en croix, on réalise que le traîneau est encore dans la pente 3 mètres derrière, lui, donc il faut encore donner un bon coup.
Qu’y avait-il dans mon traîneau? Mon gros sac de randonnée contenant sac de couchage, matelas, matériel de camping et bottes et linge de rechange. Ah et de la bouffe aussi. Et du vin. C’était enfin le week-end tant attendu où j’avais réservé la tente prospecteur du club de ski disponible gratuitement pour les membres, mais à réserver longtemps à l’avance.
Située sur Banting Lake, la tente est accessible en motoneige, en ski ou en raquettes à partir de Vee Lake, un lac situé à environ 15km de Yellowknife. Le sentier passe par des lacs mais reste essentiellement dans les bois; nous avions donc environ 10km à faire pour arriver à la tente. Certains portaient leur sac, d’autres le tiraient sur un traîneau, une autre faisait tirer le traîneau par son chien et un autre était en raquettes. J’ai trouvé que le traîneau paraissait moins lourd qu’un sac sur le dos, par contre ça faisait vraiment travailler les bras!
 
Après environ 3h de ski et un embranchement douteux dans les bois (tourner à droite et descendre la côte), nous avons enfin trouvé la tente perchée sur les hauteurs. Une tente prospecteur reste en général au même endroit toute une saison, voire d’une année à l’autre. Elle est composée d’un sol en bois et d’une grande toile rectangulaire épaisse et traitée dans laquelle est percée une sortie pour le tuyau du poêle installé à l’intérieur. Tant qu’il y a du bois à brûler, il fait donc chaud dans ce genre de tente! La bonne idée pour le camping d’hiver. On peut en voir ici sur le site de la compagnie ténoise située à Fort McPherson.
Nous étions bien soulagés en arrivant de voir la pile de bois laissée par les derniers occupants; on a allumé le poêle en deux temps trois mouvements et on a pu se changer, déballer nos affaires et nous réchauffer. Après un repas consistant et le spectacle des aurores boréales, on s’est empaqueté dans nos sacs de couchage pour une nuit plutôt fraîche et un sommeil entrecoupé pour alimenter le poêle à bois. Je pense que quelqu’un s’est levé toutes les heures pour remettre du bois; il faisait -20 pendant la nuit.
Le lendemain, après une grasse matinée, un petit-déjeuner qui tient au corps et de la coupe de bois pour les suivants, nous sommes repartis par un autre chemin, en coupant sur des lacs. Il y avait du vent et il faisait plus froid que la veille, mais au moins c’était plat. On était tous bien claqués à l’arrivée et je pense que tout le monde a pris un bon bain chaud le soir, sauf le chien.

dimanche 6 avril 2014

Virée en ski jusqu'aux Sub Islands

À chaque fois que je prends l'avion, je suis terriblement attirée par ces petites îles que l'on voit à l'approche de Yellowknife, comme jetées par la main d'un géant et éparpillées sur le Grand Lac des Esclaves. Elles ne sont pas loin de la rive, et elles ont l'air à la fois proches de la ville et inaccessibles. Je viens de découvrir qu'il s'agit des Sub Islands. À vol d'oiseau c'est rapide, mais en ski, il faut trouver un accès sur la terre et les lacs. C'est ce qu'on a fait hier, environ 7km pour y aller en passant par Kam Lake, Meg Lake, Keg Lake et Peg Lake.
  

Bon, en fait, le chemin était tout tracé; nous qui pensions devoir notre survie au GPS, bon nombre de motoneiges étaient passées avant nous! Nous sommes partis en fin de matinée et nous n'avons croisé personne, à part en arrivant sur le Grand Lac où nous sommes tombés sur quelqu'un...en vélo. C'est Yellowknife, faut pas chercher...
Cherchez le vélo!
Après avoir débouché sur le Grand Lac, nous avions l'embarras du choix: nous n'avions plus qu'à choisir notre île pour y faire un feu et manger notre pique-nique. Bon, fallait aussi trouver du bois mort, ce qui n'est pas gagné quand l'île est minuscule. C'était bien agréable de manger de la bannock cuite au feu de bois et de se réchauffer! Il ne faisait pas vraiment froid, le soleil tape fort et longtemps en ce moment; la neige commence à fondre tout doucement, mais avril devrait encore offrir quelques belles sorties de ski...
On choisit notre île
 


Un homme des bois qui sait faire du feu!