mardi 24 septembre 2013

Poisson fumé, mode d'emploi

Oubliez le saumon fumé orange vif qu'on sert à Noël, voici la truite du Grand Lac des Esclaves fumée à 500m de chez moi. Bon, en fait, c'est pas compliqué, faut du poisson frais... et de la fumée... Stéphanie, pêcheuse de charme en été, a bien voulu me montrer sa technique. Déjà, elle avait pêché un bon paquet de truites 2 jours auparavant. Aussitôt la pêche terminée, et les truites filetées (en gardant la peau), elle a fait mariner les poissons dans leur jus, avec un peu de sel et du sucre. Les recettes varient suivant le pêcheur bien sûr.
Pour le fumage, on dispose les filets dans un fumoir. Il y en a de toutes sortes, traditionnels en bois, électriques en métal, etc. Ici, fumoir système D avec une armoire en métal récupérée; les poissons sont alignés sur des grilles. Ensuite, Stéphanie allume un feu de petit bois, généralement du bouleau dans la région, forcément on n'a pas beaucoup de choix. On peut utiliser des épinettes, mais tout le monde n'aime pas le goût. Sur le feu, elle dépose également une poêle en fonte dans laquelle se trouvent des copeaux humides de hickory (arbre) pour donner de la saveur. Après on ferme la porte et on papote pendant plusieurs heures! That's it. Il faut ajouter du bois de temps en temps, et bien sûr faire tourner les filets d'une grille à l'autre pour qu'ils cuisent tous à peu près en même temps. 4h plus tard, les truites fumées étaient prêtes. Ça, c'est une expérience que je n'aurais jamais imaginé à Bordeaux! Voilà pour moi le goût du Nord: la truite, le whitefish ou l'inconnu pêché et fumé par des gens que je connais.

dimanche 15 septembre 2013

Tanya Tagaq au NACC (centre culturel artistique du Nord)

Voilà une performance que je n'oublierai pas. En arrivant dans le Nord, il est une musique qu'on découvre en général pour la première fois, le chant de gorge (chant guttural, haleté, etc.). Il nous vient des femmes inuits, qui le pratiquent traditionnellement en duo. Quand c'est le cas, c'est quelque chose à voir! Les deux femmes se font face et se tiennent souvent par les épaules (sauf celles que j'ai vues car elles tenaient leur micro...). On sent une connivence entre ces femmes et les sons qu'elles produisent sortent d'un autre monde. Passée la surprise (certains sons très gutturaux me font parfois penser à ceux qu'on produit quand on... régurgite en fait), on se laisse aller et porter par notre imaginaire.
Tanya Tagaq est une chanteuse inuit connue pour ses chants de gorge adaptés aux goûts d'aujourd'hui et intégrant des instruments. Elle collabore avec d'autres musiciens, et ses spectacles sont époustouflants. Contrairement à la tradition, elle chante seule.
Le spectacle que je suis allée voir était une diffusion d'un vieux film muet de 1922, Nanouk l'Esquimau, pour lequel Tanya faisait la narration en chant de gorge, accompagnée d'un violoniste et d'un percussionniste. À lire la description, je pensais passer 2h assez difficiles, mais j'ai trouvé le show trop court!
Mon regard allait des images à Tanya, s'attardait sur le film, se reposait sur elle. On pourrait penser qu'il suffit de l'écouter et de regarder les images, mais cette femme est un spectacle à elle seule et on a envie de la regarder. Elle est sensuelle, elle se mouve au gré des sons qu'elle produit et sa gestuelle donne de l'ampleur au chant; parfois, on a l'impression qu'elle devient les images du film: ses muscles saillants rappellent la lutte du morse contre le harpon qui vient casser son élan, ou les vagues de l'océan Arctique qui se brisent contre la glace. Il me semble que ses yeux sont parfois blancs, comme si elle était en transe, et je me dis que sa performance est primale, ou primaire, j'ai presque envie de dire "animale". Et là, je m'aperçois qu'elle est pieds nus sur scène.
Tanya Tagaq est une personnalité très colorée connue dans la région; pas du genre chichi, elle est accessible et se joint à la foule à la fin du spectacle. Je lui dis que je l'ai trouvée magnifique et que sa performance m'a touché, et naturelle, elle me répond qu'elle ovule en ce moment et qu'elle avait super chaud!
Voilà un exemple de chant de gorge avec Illannaat que j'ai vu à Folk on the Rocks: http://www.youtube.com/watch?v=zu0qQexySKc
La page MySpace de Tanya Tagaq: https://myspace.com/tagaq/music/songs
Et le générique d'Arctic Air pour voir ce que ça peut donner une fois adapté: http://www.youtube.com/watch?v=FkXadXsOnbg

mardi 10 septembre 2013

Un week-end entre femmes francophones

Voici l'article que j'ai écrit pour l'Aquilon, le journal francophone de Yellowknife.

Entr’elles, une fin de semaine de canot-camping entre femmes de la francophonie

Messieurs, méfiez-vous, vous n’êtes plus essentiels en camping! Lors de la fin de semaine Entr’elles organisée par l’Association franco-culturelle de Yellowknife, les participantes ont prouvé qu’elles n’avaient pas besoin de vous pour attacher et débarquer des canots, se diriger dans les vagues et assurer les portages, fileter des poissons ou encore faire du feu! 
L’idée d’organiser une sortie entre femmes francophones trottait dans la tête de Pascaline Gréau, la directrice de l’AFCY, depuis un moment déjà. En discutant avec Catherine Mallet de North Soul Adventures, Mme Gréau s’est aperçue que cette dernière recevait beaucoup de demandes pour organiser des excursions de canot-camping entre femmes. D’après Mme Mallet, «ºen camping, ce sont souvent les hommes qui prennent en main les tâches ardues; les femmes sont intéressées par des sorties entièrement féminines leur permettant de prendre des initiatives et de voir qu’elles sont capables de faire les mêmes choses. Certaines femmes se sentent aussi plus à l’aise quand elles sont entre femmesº». C’est justement l’aspect féminin de l’aventure qui a motivé Mélanie, originaire du Québec : «ºJ’aimais bien l’idée de partager avec d’autres femmes, et je trouvais intéressant  de faire une sortie avec le point de vue des femmes, car c’est une activité pour laquelle on compte souvent sur les hommesº».
Entr’elles a réuni 17 femmes de la francophonie aux profils variés. Originaires du Québec, de l’Ontario, de la France, du Nouveau-Brunswick et des TNO, certaines n’avaient jamais fait de canot-camping, d’autres avaient expérimenté le camping et le canot, mais pas les deux ensembles, mais toutes étaient impatientes de relever le défi. Manon, originaire du Québec et à Yellowknife depuis peu, avait vraiment envie de plein-air : «ºJ’avais vraiment hâte de faire ma première sortie en canot-camping, et qui plus est à Yellowknife. Je voulais voir comment ça se passait, l’organisation derrière tout ça.º»
Lors d’une réunion préparatoire en début de semaine, les participantes ont décidé ensemble de leur destination, des conditions de l’expédition et des horaires, et elles ont mis au point une liste des affaires à emporter. Le jour venu, au lac Prelude, une fois les canots chargés du matériel et de la nourriture, Catherine Mallet a expliqué les six gestes essentiels du canotage, et décrit la configuration des embarcations pour assurer la stabilité des chargements. Elle n’a pas oublié d’expliquer les différentes utilisations de la pagaie pour communiquer une fois sur l’eau quand la voix ne porte pas.
Nos francophones se sont ensuite élancées sous le beau soleil ténois, direction River Lake. L’eau calme était idéale pour répéter les gestes appris, tourner en rond et s’enfoncer dans les frêles. Le convoi de charme a d’abord suivi une étroite rivière avant de déboucher sur River Lake. Les rassemblements réguliers, canots alignés les uns contre les autres et dérivant au gré du courant, permettaient de faire le point sur la technique et de répondre aux questions. L’ambiance était bon enfant.
Après quelques heures et un arrêt pique-nique sur les rochers, l’installation du camp a donné lieu à de nombreux échanges. Natasha, ayant toujours vécu aux TNO, était impatiente de pratiquer son français : «ºJ’ai pris un cours de français de cinq semaines cet été, et je voulais participer à cette expédition pour pratiquer la langue et faire enfin du canot-camping, ce dont je n’avais pas eu l’occasion depuis longtemps.º» 
L’atelier de filetage de poisson était très attendu. Stéphanie Vaillancourt, qui pêche sur le Grand lac aux Esclaves depuis cinq ans, a patiemment montré aux participantes comment faire les bonnes entailles, couper la tête du poisson, le vider et le fileter en enlevant les os et les arêtes et sans en massacrer la chair! C’est tout un art qui s’apprend dans les fous rires. Aucune arête n’a semble-t-il été signalée lors du dîner de corégones grillés!
Diane Boudreau, autre visage connu de la communauté francophone, s’est fait un plaisir de faire découvrir les plantes identifiées en cours de route, comme le thé du Labrador, les canneberges, les raisins d’ours, le genévrier ou la prêle des bois. Aucun champignon n’a accompagné le petit-déjeuner du lendemain cependant, faute de cueillette productive.
Pour les moins expérimentées, l’encadrement par des professionnelles habituées aux activités en plein air était un soulagement. Le dimanche, les conditions avaient changé et l’eau était assez agitée. DianeºC., originaire elle aussi du Québec, avait des craintes sur ses capacités dans cette situation : «ºJ'avais une seule expérience de canot et elle remonte à plus de vingt ans! Je craignais de ne pas être à la hauteur alors que tout s'est admirablement bien passé.º»
On sait qu’une aventure est réussie quand on n’a pas envie de rentrer à la maison; le sentiment était partagé par toutes, notamment par Diane : «ºJe garde en mémoire la rencontre de ces femmes incroyables, courageuses et tellement pleines de potentiel. Je ne suis pas assez sportive alors je dois parfois me lancer des défis comme celui-ci. J'y ai travaillé la confiance en soi et dans les autres et ce fût une réussite.º»
Le meilleur moment du week-end? Les femmes sont unanimes, c’est la nature qui éblouit toujours, et les aurores boréales, exceptionnelles ce soir-là, resteront gravées dans les esprits. Puis chacune s’empresse d’ajouter qu’elle a adoré faire du canot, monter le camp et se détendre au bord de l’eau, apprendre le filetage de poisson ou encore partager le repas du soir et discuter autour du feu; elles sont contentes d’avoir échangé avec d’autres femmes et se réjouissent de la bonne humeur qui a régné toute la fin de semaine. Mme Gréau espère pouvoir renouveler l’expérience l’année prochaine, voire mettre sur pied une édition hivernale d’Entr’elles. La participation ne devrait pas manquer.