mardi 27 février 2018

Séjour à Blachford Lake Lodge

 
Mon cœur bat la chamade en même temps que les hélices du Twin Otter tournent de plus en plus vite, mais en quelques secondes, nous sommes dans les airs et les sapins qui délimitent la piste s’éloignent. Nous piquons vers l’est, traversons la baie de Yellowknife en un clin d’œil et survolons le paysage gelé et blanc. C’est l’occasion de repérer tous ces lacs que j’examine habituellement sur des cartes; je suis intriguée par cette multitude d’îlots qui parsèment les lacs, par les traces de motoneiges si loin de la ville, par certaines collines plus abruptes que celles dont j’ai l’habitude et par la forme distante du bras est du Grand lac. D’après mon GPS, nous parcourons les 93km qui nous séparent de Blachford Lake en 23 minutes, bien assez pour moi.
Nous atterrissons aussi vite que nous avons décollé et posons le pied sur le lac gelé : c’est parti pour 24h au lodge du lac Blachford; grâce à une promotion imbattable, j’ai pu emmener ma maman qui me rend visite pendant quelques semaines et des amis se sont joints à nous.
 Vu que nous habitons à Yellowknife, ici rien de nouveau pour nous, mais il reste que le lodge est superbe, très bien équipé et que c’est quand même l’aventure quand on part dans le bois. La bâtisse est installée sur un promontoire rocheux d’où on a une vue imprenable sur le lac depuis les salons, la salle à manger, les chambres, les terrasses ou encore le spa extérieur. Le lodge a été construit dans les années 80 et on y trouve tout ce qu’on peut imaginer quand une famille accumule des objets pendant toutes ces années : d’anciens vêtements artisanaux comme des mukluks et des chemises en peau transformés en décorations aux murs, des œuvres d’art, des photos, des livres, des jeux de société, de la laine pour tricoter au coin du feu, des jouets et toute une panoplie de patins et bottes de ski pour profiter du plein air. Pas besoin d’emporter quoi que ce soit, l’équipement à emprunter sur place est en bon état : patins, skis, raquettes, luges, vélos de neige, trottinettes des neiges, il y en a pour tous les goûts.
 
 
 L’après-midi, nous faisons le sentier Mackenzie de 7-8km qui offre de jolis points de vue sur le lac et parcourt la forêt, entre les épinettes et les bouleaux. Le bébé est grognon, André sifflote et maman ne tient pas sur ses jambes, et nous finissons la boucle sous les flocons.
 
 
 De retour au lodge, c’est l’heure de se reposer. Il fait très chaud à l’intérieur, et des ventilateurs s’efforcent même de désembuer les fenêtres! La torpeur s’empare de certains, mais heureusement on finit par se tenir éveillés grâce au Scrabble et au Uno, ou à la traduction pour certain, et par les 10 mètres à parcourir en maillot de bain jusqu’au spa (attention à ne pas saisir la poignée en métal de la porte à pleine main en revenant tout mouillé au lodge!). La nourriture est très bonne et on peut se servir autant de cookies et de boissons chaudes qu’on veut tout au long de la journée. Côté aurores boréales, nous ne sommes pas chanceux, ce sera pour une autre fois, ailleurs.
 
Le lendemain matin, un soleil éclatant pointe son nez directement dans notre chambre, Sunrise 2. Avant 9h, James et moi skions sur le lac. Les conditions sont parfaites; il y a trois courtes pistes tracées, mais les sentiers de skidoo sont nombreux et c’est un peu frustrant de ne pas pouvoir partir explorer pour la journée. Je m’essaie ensuite au vélo de neige aux gros pneus, moins maniable que ça en a l’air. Après le départ du premier avion, c’est à notre tour de nous préparer. Après une dernière balade et quelques brownies engloutis, on escalade l'échelle raide en métal jusque dans l'avion, on s'asseoit sur les banquettes tape-cul, et on s'émerveille sur les paysages à travers les hublots tout rayés.
 
 
 
- Maman et les (très jeunes) pilotes de notre avion -


mercredi 7 février 2018

Exposition sur la pêche à Djupavik, Islande

Il est presque minuit et j’observe le fjord par la fenêtre : la météo est impitoyable dans ce coin perdu des fjords de l’ouest de l’Islande. Je peux sentir la puissance des bourrasques de vent contre ma cabine; il y a des moutons sur l’eau et les nuages se heurtent et s’accrochent aux sommets. Je m’attendrais presque à voir un monstre sorti d’une saga émerger de l’eau grise. Le lendemain matin, la tempête a laissé place à un beau soleil de juin. Non… Ça c’est ce que je voudrais. Mais dans les fjords, le temps est imprévisible, et Djupavik ne verra pas le soleil pendant dix jours.
On ne peut pas vraiment décrire Djupavik comme un village, c’est plutôt un point sur la carte comprenant un hôtel-restaurant, une ancienne usine de traitement du hareng, quelques maisons de vacance et deux habitants à l’année (les propriétaires de l’hôtel). Un point sur la carte qui devient de plus en plus populaire, tout en restant hors des sentiers battus. Le lieu figure dans plusieurs guides de voyage, décrit comme un petit hôtel de charme accueillant où il fait bon se reposer. C’est ce qui m’y a amené la première fois; en fin de voyage, Yves et moi ne voulions pas partir pour de grandes aventures pour les deux derniers jours. Nous avions donc fait le détour sur la côte Strandir des fjords de l’ouest en prenant une route de terre tortueuse sans rambardes et minées de nids de poule et de roches saillantes. L’accueil par le personnel de l’hôtel était chaleureux, le repos total. Après une première nuit, nous avions décidé de rester pour une deuxième. 
Il n’y a pas énormément de choses à faire dans le coin, à part se la couler douce et décrocher. Au rez-de-chaussée, le restaurant et le lounge rappellent le salon familial. Les clients et le personnel s’y mélangent : certains écrivent, d’autres lisent, d’autres consultent Internet, et on y discute pas mal aussi. Pour ceux qui n’ont rien apporté, il y a des jeux de société et des livres. On peut aussi perdre son regard par les fenêtres, côté fjord ou côté collines. Les deux chiens de la maison assurent également le spectacle : Soley, le bulldog anglais très photogénique semble constamment sur le point de s’endormir, et Freya, le chien de type berger lèche les fenêtres; ça tombe bien, avec la buée on ne voyait pas le paysage.
C’est donc mon deuxième séjour à Djupavik; j’ai la chance de prendre part à l’exposition The factory. Cette exposition annuelle a lieu chaque été dans l’ancienne usine de hareng qui appartient aux propriétaires de l’hôtel. Ces derniers se sont installés dans ce coin perdu en 1985 puis ont retapé l’ancien quartier des femmes pour en faire l’Hôtel Djupavik et rénovent l’usine petit à petit pour sauver ce bâtiment exceptionnel. À l’intérieur, on y trouve une exposition permanente sur les activités de l’usine, et des visites guidées sont organisées chaque jour (en saison). Dans une autre partie de l’usine, ils organisent l’exposition temporaire annuelle qui dure du 1er juin au 31 août. Il s’agissait les premières années d’une exposition de photos d’un seul artiste, mais depuis deux ans, les organisateurs l’ont élargie à toutes les disciplines artistiques. Chaque artiste présentant ses œuvres doit avoir un lien avec l’Islande.
J’ai pour ma part choisi de faire un parallèle entre Djupavik et Yellowknife, deux bourgades isolées au nord du 60e parallèle pour lesquelles la pêche tient une place importante : Djupavik, qui a été abandonnée quand les stocks de poissons sont partis suite à la surpêche, et Yellowknife où la pêche commerciale reste assez limitée en termes d’infrastructures, ce qui est peut-être mieux pour la durabilité de cette industrie.
Quelle chance d’exposer mes photos de pêche dans une ancienne usine de traitement du poisson! C’est bien plus intéressant que les lignes aseptisées des galeries modernes : un espace grandiose et des murs bruts qui mettent en valeur les photos, et la lumière naturelle de la longue salle à l’étage qui n’en finit pas, soleil de minuit oblige! L’installation n’était pas aisée car mes photos n’étaient pas encadrées (coûts + questions de transport) et on ne peut pas vraiment mettre de clous dans ces murs en béton. J’ai donc utilisé des supports en bois dotés de fins câbles d’acier sur lesquels j’ai pu fixer mes photos à l’aide de pinces. L’usine étant installée sur la plage, l’humidité est élevée. J’avais donc imprimé mes photos sur de la toile et certaines sur des plaques de métal. Aucune n’a été endommagée. Les pinces ont juste laissé quelques traces de rouille sur les marges, ce que j’avais prévu. Ah... la vue sur la cascade ou l’hôtel, les montagnes au loin, la mousse verte sur les rebords des fenêtres au verre ancien, la rouille des installations en métal!


Voici  quelques installations d'autres artistes qui participaient à cette exposition pluridisciplinaire:

samedi 29 avril 2017

Sur la perte d'un animal



Aujourd’hui, ça fait un an que j’ai fait euthanasier ma chatte adorée, Coco. C’était la journée la plus triste, mais j’ai aussi passé un bon moment avec elle. Je suis restée à la maison avec elle l’après-midi et on a fait une sieste ensemble pendant plusieurs heures, ce qui n’arrivait jamais. En fin d’après-midi elle a pu sortir sur la terrasse pour la première fois de l’année après un long hiver. Elle est partie le soir sous mes caresses.
Ce jour-là, elle allait un peu mieux. J’ai choisi qu’elle parte un jour correct plutôt qu’un jour de misère. Le plus dur c’est de n’avoir jamais vraiment su ce qu’elle avait. Elle avait commencé à avoir des crises de douleur aigüe six mois plus tôt, et j’ai passé six mois à essayer de savoir ce qu’elle avait et à tâtonner avec les médicaments. Les crises étaient espacées d’un mois environ au début, puis elles se sont accélérées; ensuite elle a eu des problèmes de mobilité, puis finalement restait recroquevillée parterre pendant les crises et commençaient à faire des convulsions à la fin. Les jours entre les crises n’étaient plus parfaits et ma pauvre chatte avait toujours un regard, un pelage, un fonctionnement changés par la maladie. Je n’avais jamais vu un chat avoir mal; on dit qu’ils cachent leur douleur, alors quand on voit qu’ils ont mal, c’est que ça doit être plutôt intolérable.

Il y a seulement deux vétérinaires à Yellowknife et aucun ne dispose d’une machine pour faire des échographies ou des examens plus poussés. Coco a quand même eu des prises de sang et des radios. Elle avait de l’arthrose, de la constipation, et une maladie de la membrane de la vessie. Ça ne semblait pas expliquer ses symptômes qui ressemblaient plus à quelque chose de neurologique ou de l’ordre de la moelle épinière.

Je n’ai pas pris ma décision à la légère, j’y ai pensé pendant des mois. Les stéroïdes lui ont redonné du peps pendant quelques mois; elle semblait remonter la pente à chaque fois, mais quand les jours entre les crises sont devenus moins nombreux et que surtout elle ne se remettait pas vraiment, la décision s’est imposée à moi. Plutôt ça que de la laisser agoniser dans un coin.

J’ai eu ma Coco pendant plus de dix ans. Elle a beaucoup évolué pendant toutes ces années, on a vécu plein de choses ensemble, et malgré son mauvais caractère, je l’aimais comme un membre de ma famille à part entière. J'ai encore du mal à combler le vide qu'elle a laissé.